FAMILLE D'ANDRE MOULONGUET


                          André (1887-1983)

                          Aline Boucher ( 1892-1979)

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Henri                            Maurice          Jacques

(1920-1999)             (1921-2010)    (1926-2005)

Monique                       Agnès             Françoise

Deshoulières               Legrain               Coignet

   |                                       |                              |

André                             Chantal           Isabelle   

Bruno                             Brigitte                  Anne    Béatrice                       Marie-Claire          Pierre

Michel                            François                      

Marie-Christine                         

Pascal                                              

  


A propos d'André Moulonguet 

Jean Leroux-Robert écrit (éloge de André Moulonguet, Académie Nationale de médecine, séance du 15 mai 1984) :

[…] Très fier de son origine basquo-béarnaise, André Moulonguet a vu le jour à Pau, le 9 janvier 1887. Son père, avoué dans cette ville, était né dans la région, à Moncaup, alors que sa mère était originaire d’Hasparren, près de Bayonne.

 

De sa jeunesse, il aimait à rappeler que, tout en étant studieux, il n’a pas été sans fournir à ses parents l’occasion d’exercer leur sévérité, face à quelques manifestations d’indiscipline ou d’espièglerie, où se dessinait déjà l’esprit d’indépendance, teinté d’une pointe de malice, qui le caractérisera plus tard.

[…]

Interne des Hôpitaux de Paris en 1910, il passe successivement dans les services de chirurgie de Kirmisson aux Enfants-Malades, et d’Arrou à l’ancienne Pitié, dans l’idée de s’installer plus tard à Pau comme chirurgien, lorsqu’il rencontre Marcel Lermoyer qui le séduit, je cite, par sa « merveilleuse intelligence et les mille facettes de sa brillante imagination » et qui le prend d’abord comme interne, puis, après sa quatrième année passée chez Etienne Lombard, lui offre une place d’assistant, ce qui décide de sa carrière. Lombard était devenu le premier des O.R.L. des Hôpitaux nommés par concours.

[…]

Cet assistanat est interrompu par la guerre, en 1914, il est mobilisé comme médecin auxiliaire. Il emporte avec lui deux livres : la cité Antique de Fustel de Coulanges, et les Œuvres de Rabelais. L’opposition entre ces deux textes est à l’image de sa conception de la vie qui, pense-t-il, à côté de la culture intellectuelle et de la recherche, doit laisser place à l’humour et à la joie d’être sur terre.

[…]

Même dans la tourmente, son moral reste inébranlable ; il saisit toutes les occasions pour s’enrichir l’esprit, en fonction des hasards de rencontres que favorisent les déplacements ou les ordres de mission. Il trouve ainsi très original qu’un jeune infirmier, pianiste de talent, lui fasse découvrir Debussy entre deux bombardements…

 

Henri Moulonguet (été 98):

Pendant la guerre 14-18, mon père était chirurgien dans une antenne chirurgicale ambulante, qui s’appelait « autochir », et il avait comme infirmier un grand chanteur de l’opéra, très connu à l’époque. Et comme, heureusement, il y avait des moments où il n’y avait pas de blessés, où ils n’avaient aucune activité, ce chanteur a entrepris de donner des leçons de chant à mon père. Après cela, mon père, arrivant en permission chez sa mère à Bayonne, lui dit : « Maman, sais-tu, untel, de l’opéra, m’a dit que j’avais 50 000 francs dans la gorge ». Naturellement, c’était 50 000 francs-or. Et ma grand-mère, qui était très bonne chanteuse, qui s’y connaissait fort bien, et s’adressant à son fils futur oto-rhino, lui répondit du tac au tac : « Dans celle des autres, peut-être, dans la tienne, sûrement pas ! ».

 

Jean Leroux-Robert écrit (éloge d’André Moulonguet, Académie Nationale de médecine, séance du 15 mai 1984) :

La guerre terminée, André Moulonguet se marie avec Aline Boucher qui l’aidera, plus tard, à recevoir ses élèves avec une gentillesse affectueuse dont ils se souviendront longtemps avec émotion. Il reprend ses fonctions d’assistant chez Lermoyer et prépare le concours d’O.R.L. des Hôpitaux. Il est nommé en 1920, quelques jours après la naissance de son fils Henri, qui devait plus tard suivre ses traces et lui donner la joie de réussir au même concours.

 

C’est alors que, quelques années après, en 1924, commence sa carrière de « patron », qui se déroulera toute entière à l’hôpital Boucicaut, qu’il ne quittera qu’à sa retraite, vingt-huit ans plus tard, en 1952, année où j’ai eu l’honneur de lui succéder.

[…]

C’est l’époque en particulier où, sans antibiotiques, il parvient à réduire considérablement la mortalité opératoire, auparavant importante, des laryngectomies totales, en opérant en deux temps.

 

Il est fait chevalier de la Légion d’Honneur en 1931.

 

Il participe en 1936 au congrès international d’O.R.L. de Berlin, et par la même occasion, assiste aux Jeux Olympiques dans la loge officielle, aux côtés de son ami André François-Poncet, chez qui il est descendu à l’ambassade de France, et qui ne cache pas ses inquiétudes…

 

Trois ans après, c’est de nouveau la guerre…

 

Il est mobilisé le 9 septembre 1939, comme médecin commandant et rejoint la ville d’Autun.

 

Avec un certain nombre de ses collègues de Paris, entre autres Cadenat, Louis Raymond, Maurice Denis, Michel Dechaume…, il est chargé d’organiser un grand H.O.E.. Les plus grandes difficultés l’attendent, et il est effaré de l’imprévoyance des autorités militaires qui laisse deviner le drame, mais garde son optimisme et sa confiance dans l’avenir.

 

En pleine retraite de juin 40, il sait par exemple, encore apprécier la nature qui s’épanouit, et s’arrête longuement devant un jardin pour en contempler l’harmonieuse disposition et les massifs de fleurs. Il note ainsi dans ses carnets : « L’homme est ainsi fait qu’il peut éprouver du plaisir dans la pire des débâcles », reflet parfait de son caractère.

 

Il admire le courage de De Gaulle à son appel du 18 juin, mais lui reprochera bientôt son attitude vis-à-vis de Pétain, auprès de qui il avait été appelé en consultation par Donzelot quelques semaines auparavant au château de Voisins aux environs de Rambouillet. Son entrevue avec le Maréchal lui laisse une forte impression.

 

Il vit les derniers jours de la Résistance et la Libération de Paris à la tête de son service de Boucicaut, qu’il rejoint à bicyclette à travers des rues plus ou moins désertes, hérissées de barricades où s’entrecroisent les balles des F.F.I., des miliciens et des Allemands.

[…]

En 1946, il préside, dans le grand amphithéâtre de la faculté de médecine, le congrès annuel de la Société Française d’O.R.L., en renouant une tradition interrompue depuis sept ans par la guerre.

 

Le 24 juin 1947, il est élu à l’Académie de Médecine, et l’année suivante promu officier de la Légion d’Honneur. Il est alors au sommet de sa carrière, entreprenant de nombreux voyages à l’étranger, Italie, Portugal, Brésil, Uruguay, Argentine, etc., pays où sa notoriété est grande. Ses publications scientifiques se succèdent, nombreuses jusqu’à sa retraite… dont il redoute l’échéance.

 

En effet… Je me souviendrai toujours de son départ de Boucicaut, un matin de 1952, où il me passait ses pouvoirs. Sa sensibilité s’y manifesta avec une acuité toute particulière. Après une petite cérémonie traditionnelle d’adieu dans le service, nous étions seuls tous les deux dans ce qui avait été son bureau pendant vingt-huit ans, record de présence à la tête d’un même service pour un patron. Nous parlions de choses et d’autres et, en particulier, de l’ambiance en quelque sorte familiale qui, grâce à lui, avait toujours régné dans son service, mais nous ne savions, ni l’un ni l’autre, comment terminer cet entretien, lorsque, brusquement, je le vois sans un mot ouvrir la porte et s’en aller presque en courant, sans se retourner, comme on le fait dans les instants d’intense émotion, où les mots n’ont plus de sens… Je le rattrape dans la cour. Il pleurait… mais se ressaisit bien vite en m’entendant lui dire qu’il serait toujours chez lui dans son ancien service, que son bureau serait toujours le sien, et que nous souhaitions tous son retour parmi nous. Cela se passa ainsi. Pendant plus de quinze ans, il revint régulièrement, tous les jeudis matins, assister à nos consultations, assis à nos côtés, participant aux discussions, en marquant celles-ci de son expérience et de son bon sens.

 

Quelle plus grande preuve d’estime pouvait-il nous donner, et quel soutien moral nous apporta-t-il ainsi, avec discrétion et délicatesse.

 

Il a su plus tard s’effacer, et, devant l’implacable poussée des générations, se soumettre sans amertume aux avis de ceux qu’ils avait formés, preuve d’intelligence et de générosité.

 

Parallèlement à son activité hospitalière et scientifique, son activité libérale était très importante. Il fut l’un des spécialistes O.R.L. le plus recherché d’une clientèle aisée et aristocratique attirée par ses qualités professionnelles, bien sûr, mais également par sa finesse de caractère et de trait, son tact, sa distinction et son comportement d’ « homme du monde » et d’homme de cœur.

 

C’est l’époque des grands dîners et des somptueuses réceptions, rue Clément Marot, comme il est bien rare d’en connaître aujourd’hui. Son grand appartement avait été celui du Président Fallières. Il se plaît, dans ses souvenirs que son fils Henri a eu la gentillesse de me confier, à rappeler certaines anecdotes de ses patients connus, tel par exemple celle de l’irruption dans son bureau d’Anna de Noailles se plaignant d’acouphènes et s’exprimant en ces termes : « Docteur, le taureau de Pasiphaé mugit dans mon oreille ! » « Jamais, » écrit-il « personne ne m’avait décrit ses bourdonnements en évoquant la mythologie grecque ! »

 

Il n’abandonnera sa clientèle privée qu’à 80 ans, comme il s’était promis de le faire depuis toujours « si Dieu me prête vie jusque là » écrivait-il ; il tint promesse, sans défaillance, mais s’arrêta à regret car, écrit-il avec une certaine naïveté apparente qu’il aimait à cultiver : « si je continue et s’il m’arrivait un accident opératoire, on incriminerait mon âge ». Que ne pouvait-il mieux exprimer son optimisme et le respect qu’il avait de ses malades.

[…]

Il décrivit dans ces termes l’exaltation qu’il ressentait devant les progrès de la médecine, entre autres vis-à-vis de la tuberculose ou des suite post-opératoires améliorées par les antibiotiques. « Il n’est pas de joie plus pure et plus intime, s’est-il exclamé, que celle que l’on ressent quand on a, tant soit peu, aidé à soulever le voile des mystères de la vie, ou contribué à découvrir une thérapeutique efficace, ou à abaisser le taux de la mortalité opératoire… »

 

Et plus loin :

« Il y a un côté sportif dans l’acte opératoire ; réussir une belle opération est aussi passionnant que de gagner une partie de tennis. »

 

C’est pour lui l’occasion de décrire la richesse qu’apporte psychologiquement le contact avec l’être humain, quel que soit son niveau dans l’échelle sociale, et les réactions de chacun devant la maladie, où les plus petits peuvent manifester une grandeur d’âme qui n’est pas toujours observée chez les plus grands.

 

Il n’était pas vindicatif, mais n’avait pas peur des mots et d’exprimer ce qu’il pensait vis-à-vis de qui que ce soit. Un exemple : dans son discours, inaugurant sa présidence de l’Académie de Médecine en 1969, il critique la politique de santé du gouvernement (déjà !), à tel point que Maurice Schumann, alors ministre des Affaires Sociales, s’en offusque et refuse de venir assister à une séance ultérieure de l’Académie comme il l’avait accepté.

[…]

Sur le plan familial, il était devenu, dans les dernières années de sa vie, un véritable patriarche.

 

Il avait passé au cours de son existence tous ses moments de loisir avec les siens, soit dans sa propriété du Béarn, à Moncaup, soit dans celle du Poitou, aux Cordeliers, que je connaissais pour y avoir fait étape en descendant sur la côte Basque au début de mes vacances d’été, et où je recevais un accueil presque filial. Je le trouvais heureux de vivre simplement, détendu, en pleine nature, au milieu de ses fleurs, aimant à deviser sur ses souvenirs et les événements politiques, assez sévère, malgré sa bienveillance coutumière, pour les gouvernants du moment… Il était, en fait, assez volontiers réactionnaire et ne se gênait pas alors pour le manifester.

 

Ayant eu le chagrin de perdre son frère jumeau en 1972, et son épouse en 1978, il restait entouré de ses trois fils, Henri le médecin (O.R.L. des Hôpitaux), Maurice, dans l’armée (Colonel d’Artillerie), Jacques, ingénieur (Centralien) – de ses douze petits-enfants, et, au moment de sa mort, de ses douze arrière-petits-enfants. Il s’était retiré, avec plusieurs d’entre eux qui le choyaient, dans sa belle demeure XVIIIe de Versailles, dont les fondations datent de Louis XV, et où je le trouvais chaque fois, dans sa grande bibliothèque, plongé dans une lecture historique. Les vies de Pierre-le-Grand, de Catherine II, de Marie-Antoinette, ou de Talleyrand, n’avaient pas de secret pour lui.

 

Sa distraction favorite, en dehors de la lecture, avait été, comme nous l’avons dit, le tennis, qu’il pratiqua toute sa vie avec ardeur et passion. A 80 ans, battu pour la première fois par un de ses petits-fils, vexé, il s’achète une nouvelle raquette !… qu’il ne lâchera définitivement que six ans plus tard. Bel exemple de vitalité.

 

Pour terminer, je transcrirai quelques lignes du carnet qu’il nous a laissé et que son fils Henri m’a permis de lire, et je l’en remercie très affectueusement ; carnet passionnant, rempli d’anecdotes, parfois égrillardes, sur ce qu’il avait pu observer au cours de sa vie, décrites avec un humour bien à lui, mais aussi rempli de réflexions philosophiques et d’impressions personnelles qu’il exprime toujours avec une fine ironie.

« Les futurs lecteurs de mes mémoires, » écrit-il, « pourront comparer leur propre existence avec celle d’un bourgeois qui a vécu la période la plus exaltante de l’histoire de l’humanité, celle qui a vu naître l’éclairage et la force motrice électrique, l’automobile, la radiographie, la radiothérapie, l’aviation, la télégraphie sans fil, l’exploration spatiale ; celle aussi qui a dû supporter les deux plus grandes guerres mondiales de l’humanité », et il conclut, comme pour montrer que les bouleversements de ce dernier siècle ne l’avaient pas autrement perturbé dans sa façon de goûter la vie : « J’apprécie à sa valeur de pouvoir jouer au tennis avec plaisir à 83 ans ».

 

Il dit plus loin, correspondant à cette dernière époque : « levé tard, mes matinées passent vite à la lecture du Figaro, et l’après-midi à des parties de bridge au Cercle de Versailles ou chez des amis, avec l’après-midi du mardi consacré à l’Académie de Médecine… Je suis un heureux vieillard après avoir été un homme aussi heureux que possible, ayant assisté à la réussite de mes trois fils », écrivait-il il y a dix ans.

 

Une des dernières joies de son existence a été d’avoir pu voir arriver à l’Internat des Hôpitaux de Paris deux de ses petits-enfants, Michel et Isabelle.

 

Il repose auprès de Mme Moulonguet dans le petit cimetière de Quéaux dans la Vienne, à proximité de sa propriété des Cordeliers qu’il aimait tant.

 

 

 

 

Teuteur parle  (printemps 98):

Je reconnaissais Paul d’André par le nez : Paul avait le nez plus rouge ! Il disait qu’il était l'aîné de la branche aînée, que sa femme serait toujours à la place du milieu à table à Moncaup. Et pas celle d’oncle André. Tante Aline ne lui a jamais pardonné.

 

François Moulonguet écrit (été 98) :

Paul, plaisantant à Moncaup, avait dit à Aline : « Tu n’es rien ici » (comme il l’aurait dit à sa femme). Aline le prit très mal, ne l’oublia jamais et le rappelait, ayant bien moins bonne humeur à Moncaup que chez elle à Paris ou aux Cordeliers.

A la mort de Louise (1946), c’est André qui présidait la table à Moncaup en face de son jumeau. Marie-Thérèse est venue pour la dernière fois en 1947.

Aline a toujours veillé à la bonne marche de Moncaup, veillant à tout, mais ne voulant pas être maîtresse de maison.

Elle n’a jamais marqué la moindre désaffection par rapport à Paul et aux siens, les logeant rue Clément Marot lorsqu’ils étaient étudiants, les conduisant à l’autel pour leurs mariages.

 

Jean Moulonguet écrit (été 98) :

Oncle André et tante Aline ont été des oncles et tantes merveilleux pour leurs neveux proches ou moins proches.

Nous, ses neveux Bayonnais, participions à l’affectueuse admiration que portaient à oncle André sa mère et son frère jumeau. Les vacances à Moncaup étaient marquées par son entrain et sa bonté souriante.

Il avait le prestige de sa renommée médicale, de ses relations, de sa vie mondaine parisienne, de ses belles voitures bien différentes des Citroën d’occasion du jumeau Bayonnais.

Tante Aline veillait méticuleusement à tout, s’affairait à quelque ouvrage, à quelque étiquetage, critiquant tous désordres, ne se donnant aucun mérite, ne se décourageant jamais dans son dévouement efficace aux autres, mais participant peu aux jeux collectifs.

A Carnaval, oncle André venait en train passer trois jours à Bayonne auprès de sa mère et de son frère pour couper l’année. C’était la liesse : sorties, chocolat rituel à la pâtisserie Dodin à Biarritz, promenades sur la côte et dans l’arrière-pays. Bonne-maman passait le mois de mai à Paris chez oncle André et tante Aline, et Paul seul les rejoignait trois jours pour la Pentecôte.

 

François M. écrit (oct. 98) :

Les jumeaux se sont toujours parfaitement entendus, fiers l’un de l’autre. Après la mort de leur mère, ils s’écrivaient deux fois par semaine. A Bayonne, les lettres d’oncle André étaient lues en famille à table ; elles comportaient souvent un post-scriptum ou une rectification de détail de tante Aline.

 

Tante Aline aimait l’ordre, l’organisation, la prévoyance. Toujours soignée, elle était très active, toujours affairée à quelque tâche, organisation de la maison, mondanités, comptes, travaux d’aiguille, tapisseries, peintures sur porcelaine, organisation des rendez-vous d’oncle André, correspondance. (On racontait à propos d’un voyage en Egypte, qu’en face des pyramides, elle aurait repris son ouvrage au crochet pour ne pas perdre de temps).

 

Quand enfants nous écrivions à nos oncles et tantes de laborieuses lettres de vœux, chacun de nous pouvait compter sur une réponse personnelle rapide de la belle écriture ronde de tante Aline.

 

Tante Aline, si bien organisée, était femme de devoir toujours corvéable et mise à contribution par sa belle famille de Bayonne. On n’hésitait pas à lui demander de trouver telle chose qui n’existait pas à Bayonne, une carafe à réassortir, un cadeau de mariage, du tissu cellular pour que Paul puisse se faire fabriquer des chemises à son goût. Elle assurait toutes sortes de missions financières auprès de sociétés, banques ou agents de change en rendant compte aussitôt de ses démarches.

Pendant la guerre, l’intendance était encore plus lourde et plus compliquée : cartes de ravitaillement, bonnes adresses, colis de Vendée, œufs à stocker, conserves, comptes à surveiller.

François, puis Jean, ont vécu au total plusieurs années d’étudiant installés rue Clément Marot comme chez eux, y compris les déjeuners du dimanche chez madame Boucher, mère de tante Aline, à Versailles.

Si un des enfants de Bayonne avait besoin d’une consultation médicale spécialisée ou d’une opération, il partait avec sa mère s’installer rue Clément Marot le temps nécessaire (c’était valable pour d’autres membres de la famille).

Habitant chez oncle André, on ne le voyait pas beaucoup. Il partait de bonne heure le matin d’abord à la clinique de l’Alma pour ses opérations de clientèle privée puis à l’hôpital Boucicaut pour assurer son service hospitalier. Il rentrait tard, le déjeuner était interrompu de coups de téléphone et les premiers clients de l’après-midi attendaient déjà dans le petit salon ; le soir, oncle André et tante Aline avaient souvent des dîners en ville.

Vivre auprès d’oncle André et tante Aline a marqué nos vies.

 

Teuteur parle (fév. 99) :

J’ai été opérée des amygdales par André, j’avais quarante ans. J’ai discuté pendant un an, et puis j’ai fini par accepter. Ça s’est très bien passé. Deux jours après, oncle André, tante Aline et Henri sont venus me chercher à la clinique de l’Alma. Ils m’ont emmenée rue Clément Marot, j’avais une chambre formidable, c’est de cette manière que l’hôpital a continué chez eux ! Pour le week-end, ils m’ont emmené à Versailles. Quelle gentillesse ! C’est unique ! Encore lorsque je passe rue Clément Marot, ça me fait toujours quelque chose. Ce que je peux les regretter !

 

Madeleine Puiseux écrit (nov.98) :

En 1948, j’étais fiancée et je vivais seule à Paris lorsque j’ai eu un gros phlegmon à la gorge. Oncle André et tante Aline m’ont pris chez eux et m’ont soigné avec un dévouement incroyable, se levant (oncle André je crois) au milieu de la nuit pour me faire une piqûre d’antibiotiques (c’était tout nouveau à l’époque). J’ai passé plus de huit jours à me faire dorloter chez eux.